Les limites technologiques du commissionnement énergétique
Au risque d’aller à contre courant de l’époque où les maîtres mots sont innovation et technologie, cet article expose quelques problématiques relatives à la mesure des performances énergétiques.
Contexte
La réalisation d’audits énergétiques pertinents a longtemps été freinée par le manque d’information sur les consommations des bâtiments. La multiplication des compteurs imposée par la dernière réglementation nous laissait penser qu’une mesure fine des performances serait accessible.
Or, il ressort des études que nous avons menées sur des bâtiments récents que, même si cet objectif se rapproche, il reste encore des difficultés à surmonter. Il n’est effectivement pas rare d’observer des incohérences dans les données recueillies. Nous avons par exemple constaté que la somme des consommations de chauffage des différentes zones d’un bâtiment pouvait être supérieure de 6 % à la consommation totale de ce bâtiment. Ce type d’anomalie nous a contraint à nous interroger sur le niveau de fiabilité des compteurs. L’examen des normes et données du constructeur, nous a permis de déduire que ces instruments présentaient une incertitude de mesure conséquente.
Compte tenu de ce niveau de précision, nous avons finalement renoncé à lancer des analyses complexes. En effet, l’incertitude de mesure sur le rendement d’un équipement peut-être telle que le résultat obtenu ne soit pas significatif. Cette situation nous impose de prendre un certain recul dans la présentation des indicateurs de performance énergétique.
Précision des compteurs
Théorie
La précision du comptage de l’énergie thermique dépend de ses 3 composants :
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– un compteur de passage d’eau de manière à mesurer le débit
– deux sondes de température, au niveau du départ et du retour du circuit
– un intégrateur avec éventuellement une connexion vers une gestion technique centralisée (GTC).
(Sources : www.energieplus-lesite.be)
La quantité d’énergie distribué dans un réseau se calcul en appliquant la formule suivante :
Énergie = Volume [m³] x (Taller – Tretour) x K
Où K = coefficient d‘enthalpie (fonction de la température et de la pression du liquide caloporteur).
Par conséquent, la précision de la mesure des consommations dépend de la précision de chacun des trois composants (débitmètre, sondes de température et intégrateur).
La directive 2004/22/CE, reprise ci-dessous, définit par des calculs savants les erreurs maximales tolérées (EMT).
Par ailleurs, les compteurs d’eau peuvent engendrer des erreurs de mesure assez importantes s’ils sont mal paramétrés (mauvais diamètre ou épaisseur de paroi, encrassement des parois internes, …) ou mal positionné sur les circuit hydraulique.
Cas pratique
Le cas qui nous a occupé est un ensemble immobilier tertiaire d’environ 40 000 m2. La réglementation demandant de mesurer par zone de 500 m2 les consommations de chauffage, de climatisation, de ventilation, d’eau chaude et d’éclairage, le site a été équipé de près de 900 compteurs.
Du fait de cette complexité, la collecte des index et le calcul des consommations a nécessité plusieurs mois de rodage. Lors de ce travail nous avons constaté que la fiabilité des compteurs soulevait de nombreuses questions. Finalement, en croisant les informations du constructeur et les paramètres de fonctionnement des réseaux avec les formules présentées ci-avant, nous avons calculé une marge d’erreur théorique pouvant aller jusqu’à +/- 7%.
Ces incertitudes sur la valeur des index nous imposent d’avoir une analyse critique des consommations calculées. Le traitement des données est donc primordial.
Outil de monitoring
Les GTB sont au cœur de cette question. Ces systèmes remontent maintenant un nombre considérable d’informations. Paradoxalement, la supervision de tous ces points, sous prétexte qu’ils sont connectés, s’avère contreproductive. Ils sont par ailleurs rarement installés en ayant pris en compte les besoins de l’exploitant en matière de pilotage, de supervision ou de suivi énergétique.
En effet, si ces outils offrent un très grand potentiel de traitement des données, ils sont rarement développés à ce point ; un peu comme un logiciel de type Excel auquel il faudrait rajouter une macro pour exécuter la tâche dont on a besoin.
Pour pérenniser cet outil, il est nécessaire de veiller lors de la conception à ce que le maître d’ouvrage exprime ses besoins fonctionnels de façon pragmatique et à ce que l’ingénierie rédige des cahiers des charges suffisamment complets.
Mesure des performances
L’objectif du commissionnement est d’identifier durant une phase d’exploitation les réglages auxquels il faut procéder pour garantir le fonctionnement des équipements au maximum de leur potentiel.
Pour y parvenir il faut pouvoir diagnostiquer tout risque de dérive. Cela passe par :
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1. La définition d’un plan de mesure et de vérification de la performance
2. La mise en œuvre d’un outil de monitoring
3. L’analyse des données
4. L’élaboration de plan d’actions correctives